C’est pas ma faute à moi

J’inquiète, j’agace, je perturbe ? J’ai été très difficile à vivre ces derniers temps, pour celui qui subit mon état au jour le jour. J’en suis désolée. Mais c’est pas ma faute à moi, c’est comme ça. pour l’instant, un moment à passer. Il y a quelques jours, je me suis dit : pour quoi mes proches s’inquiètent-t-ils pour moi si en ce moment je me lève à 4h30 pour écrire, travailler alors que toute ma jeunesse j’ai vu mon père le faire, sans problème, se lever aux aurores pour travailler, il me disait « on est plus efficace dans ces heures-là, plus productif ». Cela ne m’inquiétait pas à l’époque, car mon père était si fort, si sportif, si vivant, si stable, que la seule remarque que je me faisais c’était « je ne comprends pas, il est masochiste, c’est si agréable de dormir, de prendre son temps, je peux rester au lit des heures, c’est chouette ». Non, le seul truc qui m’inquiétait c’est quand parfois le soir tard, je l’entendais dire d’un coup, à voix haute, de son bureau un « J’en-Ai-Marre » posé, aux trois mots bien détachés et distincts. De temps en temps, ça le prenait. (Juste ces trois mots, reflets de ses maux ?) Enfin ça c’était rare…

Ce qui n’était pas rare donc, cette habitude de se lever aux aurores, quand en fait l’envie, le besoin lui en prenait, de se lever, d’écrire, de produire. Aux heures où la plume est fluide, avec moins de freins, d’entraves… ces derniers jours, j’ai retrouvé la sérénité à propos de mon besoin de me lever avant l’aurore… Je me suis dit, j’ai qu’à leur dire ça à mes proches inquiets ! je fais juste comme mon papa. Il n’y a pas de quoi s’inquiéter :-p

Je me suis dis : c’est dur pour l’entourage, quelqu’un dans mon état, qui a l’impression de pouvoir soulever des montagnes, de changer le monde, de surfer sur l’énergie du monde, de sentir les choses différemment. Je ne trouve plus le terme, cette idée que les idées flottent autour de nous et que plusieurs personnes très éloignées peuvent avoir la même idée d’innovation au même moment ? Un truc qui a trait à la psychologie sociale, la cognition et les phénomènes ? Aux anciens collègues de mon père : si vous me lisez, vous pourrez peut-être m’aider sur ce point ?

Je me suis dit ces derniers jours, je ne dois pas brusquer les gens, je dois respecter leurs entraves, leur ressenti, leur vision du monde. Ne pas aller contre le courant, ne pas faire de vagues : une impulsion, effleurer l’eau suffit, les ondes s’éloignent de moi, et les sensibles les ressentiront. Là un phénomène étrange s’est produit : le marginal qui vient vers moi tout sourire, me demandant une pièce que je lui donne, me posant une question « comment mieux faire ? »… Je prends le temps de réfléchir, de formuler une réponse qui pourrait dlui être utile, je le regarde, je lui réponds, je prends le temps pour lui. Et soudain, il se ferme, recule et s’enfuit « je ne veux pas parler, discuter » me dit-il en s’enfuyant, le visage fermé. Je reste quelque peu interloquée, un peu même blessée une seconde : lui qui ne respecte pas les règles, qui vient vers moi au risque de se faire rejeter : il est tellement habitué à l’être que quand quelqu’un veut être juste bienveillant, un mécanisme de protection tombe : il devient méfiant et s’enfuit tel le renard du petit prince ?! étrange n’est-ce pas ? mais tellement logique. Comme le fait qu’être juste bienveillant est tellement difficile dans notre monde. être solidaire, c’est tellement dur, alors que cela devrait être tellement simple. C’est dommage mais normal.

Même moi, quand on me demande de l’aide dans la rue, trouver son chemin par exemple, je peux avoir mon alerte « problème » qui se déclenche. J’aime aider les gens perdus dans la rue à trouver leur chemin, je prends le temps de sortir mon iPhone et de leur montrer le chemin à emprunter. Mais hier, ce jeune homme en trottinette à moteur a déclenché la méfiance (tellement facile d’arracher un téléphone et de partir à toute blinde sur cette machine infernale qui envahit notre ville), j’ai hésité à sortir mon outil magique, mais j’ai quand même pris le temps d’essayer de répondre avec les moyens habituels : juste réfléchir à « où peut être logiquement la rue voltaire », et si je trouve, comment l’expliquer ? Et là ce jeune homme dit « j’ai rendez-vous bientôt et mon téléphone m’a lâché ». L’alarme s’arrête dans ma tête, je sors mon téléphone et ensemble on se rend compte qu’il lui reste 1,4 km à faire, quel point de repère trouver sur le boulevard Voltaire pour savoir quand tourner… Et de me dire, quand il part sous la pluie en me remerciant, « heureusement qu’il est en trottinette, il arrivera plus vite à bon port » Cette même trottinette qui a déclenché ma méfiance. Quel dommage ! mais tellement logique. Face à quelqu’un qui a besoin d’aide, il est difficile d’être juste bienveillant. Est-ce que l’autre face à moi a juste besoin d’aide ou est-ce un arnaqueur ?

Mon pauvre papa s’est fait arnaquer il y a quelques mois. Un homme lui a demandé de l’aide, lui a donné un billet de 5 euros et demandé si il pouvait charger 5 euros par carte bleue à un parcmètre, place Monge, « vous voyez, j’ai rendez-vous, j’ai peur pour ma voiture et je n’ai pas ma carte bleue ». Mon père cet être sensible et bienveillant ravi de rendre service s’exécute. Et par un tour de passe passe le ticket est donné, la carte bleue disparait ? Surement avalée par le parcmètre ? dixit le monsieur… « Attendez moi là, je me dépêche de mettre le ticket dans ma voiture et je reviens vous aider » L’homme part et ne revient pas. Mon père reste là comme un couillon devant le parcmètre et réalise qu’il s’est fait anarquer. Il est plus furieux contre lui-même que contre le connard qui détruit la confiance et la solidarité. Il part faire opposition directement à la Banque postale, puis passe quelques heures à porter plainte… Il m’appelle et me raconte sa mésaventure. Il est furieux contre lui-même, et moi je suis furieuse contre l’anarqueur qui détruit le coeur des gens. Les 1 500 euros que l’homme aura eu le temps de retirer seront remboursés quelques temps après par la banque. Mon père : « Je n’ai perdu que quelques heures, mais pour quelqu’un qui n’aurait pas eu les réflexes et les liquidités sur son compte, le mal aurait été beaucoup plus grand (stress, carte bloquée, problèmes financiers) ». Mais le mal est là quand même. Comment être bienveillant et solidaire alors que faire confiance, c’est souvent synonyme de naïveté, de crédulité ?

J’ai visité une exposition merveilleuse hier : « Tentatives de bonheur » , que je vous invite à aller visiter. C’est gratuit, ouvert tous les jours jusqu’au 26 juillet. Vous n’avez aucune excuse pour ne pas y aller (ou sinon expliquez-moi pourquoi). Revenez me dire ce que vous en avez pensez, ce que vous avez ressenti. Par un mot, par une phrase. Je vous en remercie d’avance ! J’y vois pour ma part des pistes pour « Mieux vivre ensemble », qui soit-dit en passant était le sujet de mon master en communication visuelle 😉

Pour reboucler sur le sujet d’aujourd’hui (C’est pas ma faute à moi), Je me suis souvenu ce matin de ce qui est arrivé à mon père suite au décès de son propre père. Il m’a raconté avoir perdu le sommeil pendant plusieurs nuits, semaines, et qu’il rendait chèvre sa mère en lui demandant à longueur de nuit « Quand est-ce qu’on se lève ? » Il a fini par être mis sous somnifères, à neuf ans, somnifères qu’il a continué à prendre de longues années jusqu’au moment où un surveillant lui a demandé « pourquoi tu prends ça » puis « tu n’en as peut-être plus besoin ». Pour l’anecdote, ma soeur de coeur m’a rapporté il y a quelques jours que son fils de quatre ans lui avait fait le même coup « Quand est-ce qu’on se lève ? c’est quand le matin ? » toute une nuit… Moi j’ai quarante ans, je dors quand même la nuit, bien et sereinement, je ne répète pas à mon fiancé « Quand est-ce qu’on se lève ? » mais je le rends chèvre quand même. J’en suis désolée, et j’ai envie de le dire « C’est pas ma faute à moi, c’est mon papa qui parle à travers moi ».