La Plume Nocturne

Je suis très fière de vous présenter notre projet, une librairie collective bizarroïde. Mais pas que. C’est aussi un lieu de partage et d’échange autour du livre. Mais pas que. C’est aussi une utopie, peut-être. Un test aussi. Sûrement. Mais qui ne pourra vivre, se développer et plus encore, qu’avec vous, ça c’est sûr !

Rejoignez-nous donc pour une nouvelle aventure : professionnaliser votre rêve et mieux vivre ensemble, tout simplement. Bienvenue à La Plume Nocturne ! Et longue vie à elle, j’espère.

(Vous pouvez faire un premier geste de soutien en likant sa page Facebook ici, merci pour elle, merci pour nous et pour vous aussi)

Vos témoignages et souvenirs d’André

Il nous a tous marqués. Par son sourire, par les débats enflammés, les échanges apaisés ou les anecdotes racontées par lui ou vécues avec lui… Tous ces moments partagés, dont vos témoignages sont si précieux aujourd’hui. Pour qu’il continue à vivre dans nos coeurs et nos mémoires. N’hésitez pas à déposer sur ce site vos photos, mots, souvenirs ou hommage… pour lui, pour nous et pour vous.

Vous pouvez nous laisser un petit mot ci-dessous en commentaire, ou créer votre propre article en cliquant sur ce lien après vous être connecté(e).

Le spleen n’est plus à la mode

Aujourd’hui, nous sommes chez la famille Neurauter pour poser la plaque du cercueil de mon père dans leur chapelle, à Marlstein, lieu si important pour André. C’est une démarche symbolique pour honorer sa mémoire, lui qui a passé près de 500 jours ici depuis les années 90. Je ne sais pas encore trop quoi en penser… J’ai envie parfois de l’appeler pour lui raconter à quel point Armin et Sabrina ont fait du super boulot avec les nouveaux bâtiments, en alliant le neuf et l’ancien merveilleusement. Que maintenant chaque bâtiment (ou presque) a un ascenseur ! ça aurait été peut-être trop pour André ? Ça faisait surement partie du charme de l’endroit de voir Armin le sportif monter quatre à quatre les escaliers avec ses bagages horriblement lourds ?

Hier j’ai participé à la randonnée avec Gébart et une quinzaine d’hôtes. Le vent fou était avec nous (cf. foehn), le ciel bleu aussi avec quelques gouttes de pluie dont on ne repère pas le nuage originel, j’aurai voulu lui dire, ma joie d’être là, grâce à lui.

Je reprends donc la plume, nocturne ou très matinale (La Plume Nocturne ne sera pas jalouse, j’espère !) pour partager quelques réflexions des dernières semaines : l’angoisse n’est plus à la mode, je vous le dis, place à la volonté et à l’amour !

J’ai participé le jeudi 6 juin au Maif Social Club à la conférence « Sens du travail, bonheur et motivation ». Et si la philosophie était la clé du bonheur ? Retrouvez ci-dessous ce temps d’échanges avec André Comte-Sponville sur le sens du travail dans nos vies…
Spoiler : il n’est pas là pour faire évoluer le monde, plutôt pour partager sa vision et être personnellement heureux de ne plus avoir à enseigner… Chacun son truc 😀
Il n’en reste pas moins qu’une piste très intéressante apparaît : si lui ne peut rien y faire, il nous éclaire quand même sur le mécanisme Désir – Espoir / Volonté / Amour… Là où nos espoirs ont été déçus, blessés, là où pour nous protéger nous avons été infantilisés… Le philosophe conclut par ces mots (ou presque) : face à ces maux, allez voir l’économiste ou le politicien…

Ça tombe bien, vu que j’ai été conviée au Premier Grand Rendez-vous de la Commission des Finances dès le lendemain matin !
Me voici donc le vendredi 7 juin à 9h à l’Assemblée Nationale pour sonder le « Coeur de l’économie » et voir ce qu’ils ont à dire sur les « Mobilités sociales et inégalités territoriales » 😉
Spoiler : Ils ont bien constatés que l’ascenseur social est en panne depuis longtemps et que les classes moyennes sont sous pression. Pour le coup, c’est plus long et moins drôle que la veille mais très intéressant (faut dire qu’on a des pointures, entre un prix Nobel d’économie et de multiples grands penseurs & chercheurs…).
Je suis sûre que mon père aurait été fier d’eux, de leur démarche et de leur constat, par exemple la nécessité de décentraliser les problématiques d’éducation, de lutter contre l’uniformisation des réponses… Cette fois je n’ai pas eu l’occasion de poser la question mais c’était quand même l’occasion idéale pour arboré mon superbe t-shirt « Je ne suis rien, je ne lâche rien »… 😀
Mais bon eux aussi ne trouvent pas de levier pour faire évoluer le monde, ils n’ont pas conscience de ce qui bloque avec ces gens qu’ils veulent aider ?! Eux économistes, chercheurs ou politiques… J’entends presque « face à ces maux, allez voir le philosophe ou le sociologue »…

En conclusion, car le soleil se lève et que la montagne m’appelle, je vous laisse avec l’hymne de Spinoza, à mon humble avis :-p

C’est le destin ?

Si mon cher et tendre est l’inspirateur de ce projet juste en répondant à la question « Que voudrais-tu faire ? » avec sa réponse « Vendeur dans une librairie » il n’en reste pas moins que ce projet est en fait au travail chez moi depuis fort longtemps. Je sais maintenant ce que je vaux et quelles sont mes capacités et mes limites aussi. 

J’ai toujours aimé les livres et aimé les partager. Mon père me donnait de la lecture, je pensais à l’époque pour compenser son manque de disponibilité (quel travailleur de son coté) ou le fait que nous n’avions pas de télévision… Quel fut ma fierté quand la prof de français dit « il faut lire le meilleur des mondes, mais c’est peut-être trop tôt », alors que j’ai justement en train de le lire sous mon pupitre !

Je retrouve aujourd’hui mes cahiers de textes, les mots prémonitoires de mes camarades de classe, mes listes de livre à conseiller à l’un ou à l’autre… Le petit prospectus de la librairie spécialisée en cinema collé dans mon cahier de texte de l’année 96…

Du fait qu’en 6e, je me suis dit face à Judith qui voulait faire médecine « Quoi que je fasse dans ma vie, je serai contente avec ce que j’ai ». Est-ce que je me suis perdue en route, je ne crois pas. Je suis fière et satisfaite que grâce à mes parents, l’un et l’autre différemment, j’ai pu prendre le chemin de la communication visuelle. Ce chemin qui est si vaste, j’ai fait du multimédia, de l’édition, de la photo, de la logistique, du montage video, du montage son, de tout, tant que je trouvais des solutions aux problèmes des gens pour les aider. Faire de l’argent n’a jamais été mon moteur, ce qui fait que je me suis posée la question de mon manque d’ambition parfois. Couteau-suisse c’est bien, mais certains ne respectent pas l’outil que je peux être, et ça je ne supporte pas. Car je ne me suis jamais senti obligée de quoi que ce soit. Car ce qui compte pour moi c’est rendre service et aider.

Ce service que je vous propose aujourd’hui, maintenant je le comprends. Je le cerne et c’est le but de ma vie. C’est mon travail et ma passion, j’ai de la chance de pouvoir concilier les deux, équilibre si difficile à trouver pour chacun d’entre nous.

Je veux vous faciliter l’accès à cet équilibre, en reprenant l’accroche de mon école « Professionnaliser votre rêve »… Je ne l’ai pas compris à l’époque mais c’est une volonté authentique. Le problème, c’est que dès que l’argent rentre en compte, la suspicion s’installe. Comme les phrases Feel Good plaquées sur tous ces goodies sympathiques, vendus partout plus ou moins cher.

Mon sujet de diplôme était atypique, humaniste d’après mes professeurs lors de la remise de diplôme de Master de fin de 5e année. Son titre « Mieux vivre ensemble ».

Je sais que cela peut sembler un égo-trip, mais sachez que quand Frédérique m’a convoquée pour me parler des ateliers de vacances, j’ai cru que c’était pour me punir de mes absences en m’imposant de suivre des cours de rattrapage… Alors qu’elle me proposait de m’occuper des cours de multimédia ! Quel honneur, deux jours complets pour faire découvrir Director et Dreamwaever. Moi qui secondait presque le prof de multimédia pendant les cours, j’ai accepté tout de suite, sans penser à être payé pour le faire, je crois qu’elle a été étonnée, puisque qu’elle m’a dit « Tu vas être rémunérée bien sûr »…

C’est ainsi que mon premier boulot rémunéré a été « Professeur », j’avoue qu’au final c’était pas cher payé pour le stress que cela a engendré chez moi, l’appréhension d’être à la hauteur de la tâche, le complexe de l’imposteur quand je me suis placée rapidement derrière le bureau pour que les participants comprennent que cette petite chose devant eux allait jouer « la prof » alors que j’étais en 3e année dans cette même école… (spoiler : ça c’est très bien passé, j’ai même rempilé l’année suivante en me disant encore une fois la nuit précédant la journée de cours « Mais pourquoi je m’inflige ça ?! ça me stresse trop ! ».

J’ai maintenant 40 ans, je n’ai plus le complexe de l’imposteur et je comprends que l’on peut trouver l’équilibre en générosité et besoin économique. Il faut avoir les moyens de sa générosité et surtout donner à l’autre un moyen de rendre la pareille, par son temps, par son soutien qu’il soit financier ou psychologique. Car c’est l’équilibre qui compte pour que chacun soit plus heureux, des « tentatives de bonheur » comme le dit AnneSophie.

De la synchronicité et des tentatives de bonheur…

En cette journée internationale des revendications salariales et des travailleurs, je comprends un peu mieux ce qui m’arrive. Je comprends que ce projet de librairie, d’espace d’échange et de partage autour du livre n’est qu’une partie de ce qui m’importe vraiment. Ce qui m’importe vraiment c’est d’être l’écho de ce qui est au travail en chacun de nous, de ce qui compte et de ce qui perturbe.

Ainsi je vois maintenant que ce projet est plus large que ce point de départ. J’ai donc la joie de vous annoncer que nous vous proposerons aussi un espace de travail communautaire dans un lieu logique et évident : les locaux de Two&Two, au métro Saint Georges. Car ces années de travail, d’épreuves mais aussi de partages et de joies ne peuvent disparaître. Il suffit de transformer, de muter pour proposer quelque chose de beau, de viable et d’utile.

Mon cher et tendre me disait hier soir en plaisantant « ça va plus loin, on va proposer un triumvirat avec le Cap Horn ». Et ce matin, en cette journée symbolique, je me rends compte qu’il a raison. Nous avons oublié la signification du 1er mai (et tout cas moi oui). Nous avons oublié que changer le monde, c’est possible. Que des millions de gens se sont battus pour obtenir du système inhumain qui nous accable des vacances, des droits et surtout du respect. Et que si vous pouvez aujourd’hui rentrer chez vous après vos 8 heures de travail, pour profiter de 8 heures avec vos proches et de se reposer 8 heures, c’est que d’autres y ont cru et se sont battus.

J’aime mon travail depuis toujours, j’aime rendre service et je n’ai pas vu que je pouvais m’épuiser. Pourquoi ? parce que j’ai bêtement cru que quand je travaillais pour des clients humains et sensibles, c’était eux qui comptaient, pas la grosse machine inhumaine et capitaliste planquée derrière. Je décide aujourd’hui que je n’aurai aucun pitié pour les rouages qui écrasent mes camarades travailleurs. Plutôt que de travailler sous la pression, sous le stress, je dirais non. Je leur apprendrais qu’il y a une grosse différence entre travailler en bonne intelligence (ne pas les planter, les aider eux) et répondre aux exigences d’un système qui nous écrase.

Une fois on m’a dit « Le client est roi », j’ai répondu vertement « dans ce cas, tu n’es pas mon mac et je ne suis pas ta pute ». J’ai toujours dit : je suis une bourrique, prête à travailler avec acharnement parce que je veux rendre service, mais si on me dit « tu dois m’obéir » je me braque, et j’arrête.

Je me suis dit en 6e « Quoi que je fasse dans ma vie, je serai contente avec ce que j’ai ». Aujourd’hui je veux prouver qu’il est possible de bien gagner sa vie tout en faisant ce qui vous plait vraiment. Que les réflexes de se dire « je voudrais faire ça mais c’est un doux rêve incompatible avec les besoins financiers de ce monde », c’est une erreur et c’est dommage. Parce que je le fais depuis 20 ans, que je n’ai pas de problèmes financiers, et que je ne suis pas rentière. C’est une question d’équilibre : construire un projet réaliste pour ne pas tomber comme Icare, mais ne surtout pas rester coincer à s’épuiser et à souffrir dans un travail qui ne vous respecte pas en tant qu’humain.

Tout ceci est au travail autour de nous. Il y a tant de projets humaines et bienveillants qui fleurissent, mais toujours avec la peur ancrée. D’un coté des associations, des bénévoles, qui trouvent du sens à leur vie mais sans profit, d’un autre des structures inhumaines qui font mal (même si elles essaient de se voiler la face en mettant en place des choses sur les risques psychosociaux) qui font des bénéfices dingues mais qui pressurisent leurs salariés pour obtenir de meilleurs devis de leurs prestataires ? C’est indécent. Je vois ces réflexes dans chaque structure. Du salarié de la petite entreprise qui n’ose pas sortir de la place qui lui est imposée de peur de se faire virer au manager du groupe coté en bourse qui est entre le marteau et l’enclume pour le fonctionnement de ses équipes… Tout ça pour l’argent. Qui profite surtout à des entreprises dé humanisées, à des actionnaires qui logiquement sont déconnectés de l’humain qui oeuvre derrière les chiffres.

Mon coeur de métier a été depuis quasiment 15 ans les opérations d’actionnariat salarié. Je crois que cela ne me dérangeait pas justement de travailler pour des entreprises du CAC 40 grâce à ça : l’Actionnariat Salarié. J’ai souvenir d’avoir expliquer à ma tendre Josepha que le fonctionnement de la Bourse a gangrené le monde, mais que devant cette machine devenue folle, au moins l’actionnariat salarié avait un sens, c’est déjà ça.

Aujourd’hui tout se connecte et prend sens : je comprends pourquoi je tiens absolument à créer une SCOP. Ce n’est pas négociable. C’est tout simplement la forme d’entreprise humaine et profitable idéale. Avoir la sécurité de l’emploi et la liberté de travailler humainement, de trouver du sens dans la vie.

Tellement de gens ont de bonnes idées, souffrent au travail, veulent un monde plus sain et heureux. Mais on nous a tellement manipuler pour plus de productivité, de profit (à qui ?), que nous n’y croyons plus, que nous avons peur. Peur de ne pas pouvoir payer son loyer ou manger à sa faim, peur de ne pas être heureux quand on croit que si on gagne moins que ses proches on va être pris pour un looser, un flemmard ou je ne sais quoi. Arrêtez d’avoir peur, essayez de trouver des acolytes qui veulent la même chose que vous et créez une SCOP.
Dès le 1er septembre, venez chez La Plume Nocturne, soit pour passer un bon moment à discuter de livres, de films, de séries ou de musique, soit pour que je puisse établir le contact entre vous et d’autres rêveurs et que vous puissiez ensemble travailler à développer un monde meilleur :-p

N’oubliez pas de chercher derrière les évidences : aujourd’hui ce n’est pas la « Fête du travail », c’est un jour qui symbole la lutte pour changer le monde et la vie des travailleurs. C’est un jour important où il faut se souvenir que tout est possible.

Aujourd’hui, une tolérance de l’administration fiscale dans certaines communes permet aux particuliers et aux organisations de travailleurs de vendre les brins de muguet sans formalités ni taxes sur la voie publique en respectant toutefois les autres obligations légales (il s’agit par exemple de muguet du jardin ou des bois et non pas de muguet acheté, sinon ce serait de la revente).

Remettez en questions les lois qui elles-même se sont déconnecté de l’humain.
Qui les a écrites si ce n’est nous-même ? Pourquoi les règles seraient dures et rigides ? je ne dis pas de les briser, je dis avec espoir, qu’il faut ce souvenir que ce qui compte c’est nous, qui ne sommes pas là pour bien longtemps, et qu’il faut avoir le recul et la lucidité pour les faire évoluer plus douces et bienveillantes…

Sur ce je vous souhaite un très bonne journée, profitez de vos proches et parlez vous (exercice du jour « que voudrais-tu faire si l’argent ne comptait pas ? »). Ce qui va sans dire va mieux en le disant.

C’est pas ma faute à moi

J’inquiète, j’agace, je perturbe ? J’ai été très difficile à vivre ces derniers temps, pour celui qui subit mon état au jour le jour. J’en suis désolée. Mais c’est pas ma faute à moi, c’est comme ça. pour l’instant, un moment à passer. Il y a quelques jours, je me suis dit : pour quoi mes proches s’inquiètent-t-ils pour moi si en ce moment je me lève à 4h30 pour écrire, travailler alors que toute ma jeunesse j’ai vu mon père le faire, sans problème, se lever aux aurores pour travailler, il me disait « on est plus efficace dans ces heures-là, plus productif ». Cela ne m’inquiétait pas à l’époque, car mon père était si fort, si sportif, si vivant, si stable, que la seule remarque que je me faisais c’était « je ne comprends pas, il est masochiste, c’est si agréable de dormir, de prendre son temps, je peux rester au lit des heures, c’est chouette ». Non, le seul truc qui m’inquiétait c’est quand parfois le soir tard, je l’entendais dire d’un coup, à voix haute, de son bureau un « J’en-Ai-Marre » posé, aux trois mots bien détachés et distincts. De temps en temps, ça le prenait. (Juste ces trois mots, reflets de ses maux ?) Enfin ça c’était rare…

Ce qui n’était pas rare donc, cette habitude de se lever aux aurores, quand en fait l’envie, le besoin lui en prenait, de se lever, d’écrire, de produire. Aux heures où la plume est fluide, avec moins de freins, d’entraves… ces derniers jours, j’ai retrouvé la sérénité à propos de mon besoin de me lever avant l’aurore… Je me suis dit, j’ai qu’à leur dire ça à mes proches inquiets ! je fais juste comme mon papa. Il n’y a pas de quoi s’inquiéter :-p

Je me suis dis : c’est dur pour l’entourage, quelqu’un dans mon état, qui a l’impression de pouvoir soulever des montagnes, de changer le monde, de surfer sur l’énergie du monde, de sentir les choses différemment. Je ne trouve plus le terme, cette idée que les idées flottent autour de nous et que plusieurs personnes très éloignées peuvent avoir la même idée d’innovation au même moment ? Un truc qui a trait à la psychologie sociale, la cognition et les phénomènes ? Aux anciens collègues de mon père : si vous me lisez, vous pourrez peut-être m’aider sur ce point ?

Je me suis dit ces derniers jours, je ne dois pas brusquer les gens, je dois respecter leurs entraves, leur ressenti, leur vision du monde. Ne pas aller contre le courant, ne pas faire de vagues : une impulsion, effleurer l’eau suffit, les ondes s’éloignent de moi, et les sensibles les ressentiront. Là un phénomène étrange s’est produit : le marginal qui vient vers moi tout sourire, me demandant une pièce que je lui donne, me posant une question « comment mieux faire ? »… Je prends le temps de réfléchir, de formuler une réponse qui pourrait dlui être utile, je le regarde, je lui réponds, je prends le temps pour lui. Et soudain, il se ferme, recule et s’enfuit « je ne veux pas parler, discuter » me dit-il en s’enfuyant, le visage fermé. Je reste quelque peu interloquée, un peu même blessée une seconde : lui qui ne respecte pas les règles, qui vient vers moi au risque de se faire rejeter : il est tellement habitué à l’être que quand quelqu’un veut être juste bienveillant, un mécanisme de protection tombe : il devient méfiant et s’enfuit tel le renard du petit prince ?! étrange n’est-ce pas ? mais tellement logique. Comme le fait qu’être juste bienveillant est tellement difficile dans notre monde. être solidaire, c’est tellement dur, alors que cela devrait être tellement simple. C’est dommage mais normal.

Même moi, quand on me demande de l’aide dans la rue, trouver son chemin par exemple, je peux avoir mon alerte « problème » qui se déclenche. J’aime aider les gens perdus dans la rue à trouver leur chemin, je prends le temps de sortir mon iPhone et de leur montrer le chemin à emprunter. Mais hier, ce jeune homme en trottinette à moteur a déclenché la méfiance (tellement facile d’arracher un téléphone et de partir à toute blinde sur cette machine infernale qui envahit notre ville), j’ai hésité à sortir mon outil magique, mais j’ai quand même pris le temps d’essayer de répondre avec les moyens habituels : juste réfléchir à « où peut être logiquement la rue voltaire », et si je trouve, comment l’expliquer ? Et là ce jeune homme dit « j’ai rendez-vous bientôt et mon téléphone m’a lâché ». L’alarme s’arrête dans ma tête, je sors mon téléphone et ensemble on se rend compte qu’il lui reste 1,4 km à faire, quel point de repère trouver sur le boulevard Voltaire pour savoir quand tourner… Et de me dire, quand il part sous la pluie en me remerciant, « heureusement qu’il est en trottinette, il arrivera plus vite à bon port » Cette même trottinette qui a déclenché ma méfiance. Quel dommage ! mais tellement logique. Face à quelqu’un qui a besoin d’aide, il est difficile d’être juste bienveillant. Est-ce que l’autre face à moi a juste besoin d’aide ou est-ce un arnaqueur ?

Mon pauvre papa s’est fait arnaquer il y a quelques mois. Un homme lui a demandé de l’aide, lui a donné un billet de 5 euros et demandé si il pouvait charger 5 euros par carte bleue à un parcmètre, place Monge, « vous voyez, j’ai rendez-vous, j’ai peur pour ma voiture et je n’ai pas ma carte bleue ». Mon père cet être sensible et bienveillant ravi de rendre service s’exécute. Et par un tour de passe passe le ticket est donné, la carte bleue disparait ? Surement avalée par le parcmètre ? dixit le monsieur… « Attendez moi là, je me dépêche de mettre le ticket dans ma voiture et je reviens vous aider » L’homme part et ne revient pas. Mon père reste là comme un couillon devant le parcmètre et réalise qu’il s’est fait anarquer. Il est plus furieux contre lui-même que contre le connard qui détruit la confiance et la solidarité. Il part faire opposition directement à la Banque postale, puis passe quelques heures à porter plainte… Il m’appelle et me raconte sa mésaventure. Il est furieux contre lui-même, et moi je suis furieuse contre l’anarqueur qui détruit le coeur des gens. Les 1 500 euros que l’homme aura eu le temps de retirer seront remboursés quelques temps après par la banque. Mon père : « Je n’ai perdu que quelques heures, mais pour quelqu’un qui n’aurait pas eu les réflexes et les liquidités sur son compte, le mal aurait été beaucoup plus grand (stress, carte bloquée, problèmes financiers) ». Mais le mal est là quand même. Comment être bienveillant et solidaire alors que faire confiance, c’est souvent synonyme de naïveté, de crédulité ?

J’ai visité une exposition merveilleuse hier : « Tentatives de bonheur » , que je vous invite à aller visiter. C’est gratuit, ouvert tous les jours jusqu’au 26 juillet. Vous n’avez aucune excuse pour ne pas y aller (ou sinon expliquez-moi pourquoi). Revenez me dire ce que vous en avez pensez, ce que vous avez ressenti. Par un mot, par une phrase. Je vous en remercie d’avance ! J’y vois pour ma part des pistes pour « Mieux vivre ensemble », qui soit-dit en passant était le sujet de mon master en communication visuelle 😉

Pour reboucler sur le sujet d’aujourd’hui (C’est pas ma faute à moi), Je me suis souvenu ce matin de ce qui est arrivé à mon père suite au décès de son propre père. Il m’a raconté avoir perdu le sommeil pendant plusieurs nuits, semaines, et qu’il rendait chèvre sa mère en lui demandant à longueur de nuit « Quand est-ce qu’on se lève ? » Il a fini par être mis sous somnifères, à neuf ans, somnifères qu’il a continué à prendre de longues années jusqu’au moment où un surveillant lui a demandé « pourquoi tu prends ça » puis « tu n’en as peut-être plus besoin ». Pour l’anecdote, ma soeur de coeur m’a rapporté il y a quelques jours que son fils de quatre ans lui avait fait le même coup « Quand est-ce qu’on se lève ? c’est quand le matin ? » toute une nuit… Moi j’ai quarante ans, je dors quand même la nuit, bien et sereinement, je ne répète pas à mon fiancé « Quand est-ce qu’on se lève ? » mais je le rends chèvre quand même. J’en suis désolée, et j’ai envie de le dire « C’est pas ma faute à moi, c’est mon papa qui parle à travers moi ».

De la bienveillance…

Le phénomène de La ligue du LOL est intéressant. Plus que ce qui s’est passé dans la tête et sur les claviers de ses membres en 2009, ce qui est pour moi intéressant, ce sont les événements des derniers mois. Vous savez peut-être que sous le coup de l’indignation, la première victime à (r)ouvrir son coeur début 2019 était persuadée que comme toujours, comme d’habitude, elle allait subir, encore, les critiques et autres joyeusetés ?  «Je pensais qu’on allait en reprendre pour six mois de silence», lâche Thomas Messias.

Je ne vais pas réécrire le très bon article d’Anne Lorriaux sur ce sujet. Juste vous citer ici ce qui m’a tellement manqué en février quand je l’ai lu.

Si nous ne comprenons pas pourquoi un événement tout d’un coup surgit, qui semble rebattre les cartes, alors qu’il couvait dans l’ombre, c’est parce que nous ne voyons pas les transformations silencieuses. Nous ne voyons pas le mouvement dialectique. Le poison contient toujours en lui le remède. Nous n’avons pas conscience de ce qui nous travaille graduellement tous et toutes, à la manière de l’hiver qui lentement laisse la place au printemps. Il y a un très beau poème de Paul Éluard, avec cette phrase magnifique : « Nous vivons dans l’oubli de nos métamorphoses. Le jour est paresseux mais la nuit est active ». La nuit, dans l’ombre, nous changeons. 
Et là, nous avons certainement tous et toutes changé pour le mieux. Nous sommes devenus plus sensibles, plus attentives les unes aux autres. Notre seuil de tolérance à la maltraitance a baissé. Tout ça s’est passé beaucoup plus vite que ce que j’aurais pu imaginer. Il y a quelque chose d’incroyablement émouvant à cela. C’est peut-être, je l’espère, une des bonnes nouvelles de cette affaire de la Ligue du LOL.

« Pourquoi l’affaire de la Ligue du LOL ne sort que maintenant », Anne Lorriaux.

Je me suis levée plus tard aujourd’hui, même si je me suis réveillée à 4h44 une première fois. Je n’ai donc pas la plume fluide en ce lundi de pâques. Mais j’espère que nos métamorphoses silencieuses vont toucher plus de domaines dans la société, la politique. Que la bienveillance triomphera de nos peurs et de nos entraves.

Hasards et Coïncidences

Ça fait quelques jours que je ne vous ai pas écrit, j’en suis désolée, mais il faut dire que les hasards et coïncidences s’enchainent si vite que je suis bien occupée… Par exemple, je viens de prendre des billets d’avion pour la Martinique, car « En mai, fais ce qu’il te plait » et l’occasion fait le larron donc, grâce à Myriam, je me décide à partir avec elle visiter notre pote expatrié. Grâce à elle et le destin, le hasard ou les coïncidences… Je me suis décidée à prendre les billets ce matin, après avoir ouvert les yeux d’un coup, tranquille dans le noir et regardé mon téléphone : 04h44. C’est un signe non ? 😉
Et là, j’écris le titre cet article, je vérifie l’orthographe de coïncidences, je tombe sur le titre du film de Lelouch, je prends mes billets, je reviens sur mon billet d’humeur, je cale, je reviens sur la page Google, je me dis « tiens, je ne suis pas sûre d’avoir vu ce film en fait », je scroll et là… « Myriam est une danseuse étoile. Une star du ballet qui sillonne le monde, enchaînant les […] » Coïncidences ?

Mon frère est médium, peut-être, peut-être pas, en tout cas ça le fait rire, c’est déjà ça.
Il dit « c’est de l’intuition, de l’observation » ou juste du bon sens. Mais bon sang (ne saurait mentir), quelle est donc la limite entre intuition et divination ? Notre père me disait de ne pas confondre miracle et phénomène inexpliqué, il m’a appris tant de choses… Aujourd’hui, les signes s’enchaînent, j’ai mis ça sur le compte de l’hyper vigilance, de la chance, se réconforter en se disant qu’André Duflos reste ma bonne étoile. Mais expliquez-moi, s’il vous plait, pourquoi j’ouvre les yeux régulièrement à 4h44, dont ce matin ? Expliquez-moi pourquoi le hasard fait que souvent j’envoie un signe, au bon moment, à la bonne personne ?

Peut-être bien sûr qu’il ne faut pas chercher à comprendre ou à expliquer, mais cela m’interroge quand même. Est-ce que nous restons souvent sourds aux signes, dans une société déconnectée de la nature, du bon sens, des intuitions ? Qu’en est-il des sorcières, guérisseuses, rebouteux, sourciers, magnétiseurs, hypnotiseurs, soit considérés comme charlatans, soit doux illuminés, pratiques quand « ça marche » que cela vienne de l’un ou de l’autre. La voix de mon père qui murmure à mon oreille « effet placebo », « auto-suggestion »… Cette voix aujourd’hui me dit quoi ? si c’était vrai tout ça ?

Es-tu encore là, à veiller sur moi, à m’envoyer des signes gros comme des panneaux publicitaires, et à sourire de tes espiègleries ? J’espère juste que tu es heureux et serein, cela me peinerai que tu essayes de communiquer sans que j’entende, et que tu t’agaces de ne pouvoir communiquer plus directement. En même temps ma surdité au monde parallèle (coexistence) serait un peu de ton fait, donc désolée mais pas désolée ! Ecriture automatique, rêve, prémonition, est-ce qu’il y a tout un monde d’esprits qui nous entoure, ou est-ce une des caractéristique de l’humain, de s’inventer des histoires pour se rassurer, se réconforter, oui se renforcer. Mais dans ce cas, les animaux qui fuient le danger avant qu’il soit perceptible, ils s’inventent des histoires eux aussi ? C’est une invitation à ressentir autre chose, à vivre autrement. Quitte à être brulée sur la place publique ? Bref on ne brûle plus les sorcières mais on les relèguent au folklore. Bien rangées dans des cases.

La grand-mère de mon père guérissait les abcès du sein, on venait la voir de toute la normandie, mais quand elle a voulu transmettre ses recettes à sa fille, celle-ci qu’a pas voulu apprendre, quelles herbes récolter à la lueur de la lune, dans le cimetière, très peu pour elle, merci. La Marie, la Mémé, avec son caractère bien trempé, qui aidait les gens très souvent, mais qui exigeait trop en retour ? Sans le vouloir, vraiment, exigeait de se prendre en main ? Le souvenir me revient d’avoir pleuré, tourmentée, auprès de mon père, l’angoisse d’être comme elle ?! Je veux aider mais j’impose trop ? Bizarre, bizarre…

Quand j’étais petite, la moindre fièvre me provoquait des sensations très perturbantes, les draps semblaient devenir rigides sous mes mains, et maintenant que j’y pense, j’avais la sensation que le monde entier se contractait autour de mes mains. Je disais à mon père « ça recommence, le truc avec mes mains », et il les prenait entre les siennes pour me rassurer et faire passer cette sensation… Aujourd’hui, il n’est plus là, et mes mains me jouent des tours, elles chauffent. Il n’est plus là pour y trouver une explication scientifique, cohérente… J’essaye alors de ne pas m’enflammer, d’en parler posément à mon médecin, quitte à passer pour maniaco-dépressive, bipolaire, ours polaire.

Je parle aux animaux, pas sûr qu’ils me comprennent, mais certains ont un regard si profond, que je leur doit bien ça, d’essayer… Pour moi, Cracou reste là, car oui c’est un animal grégaire, imprégné, mais aussi parce que nous lui avons laissé le choix, et que je lui ai dit « tu es libre, quand tu voudras partir, va tapoter à la fenêtre comme Piou Piou la petite mésange bleue, et tu pourras partir si tu le veux. » Nous ne sommes que des animaux, des êtres vivants et sensibles. Il faut les respecter et nous respecter. Notre savoir, notre culture ne nous rendra pas immortels et supérieur à cette condition.

Le soleil se lève doucement et je m’aperçois que je n’ai pas raconté, listé, toutes ces coïncidences qui s’enchaînent telles des perles… Peut-être parce que ce matin, je n’ai pas très envie de me positionner en observateur scientifique des événements mais tout simplement les vivre et d’en profiter… Force et courage, les oiseaux chantent et tout va bien se passer 🙂

Un problème de spiritualité

Mon papa, parles-tu à travers moi ? Toi qui m’a élevée, imprégnée de tes idées et idéaux ? Pourtant quand je t’ai demandé toute jeune, voyant mes camarades aller au catéchisme, « Dieu, il existe ou pas ? » tu m’as répondu en bon normand « Peut-être ben que oui, peut-être ben que non, certains y croient, d’autres non » Et toi mon papa, tu m’as dit « j’ai failli devenir curé mais j’ai perdu la foi, finalement j’ai trouvé la réflexion, la recherche. »
J’ai passé ma jeunesse à suivre cette recherche, demander à mes amis catholiques, protestants ou autre, d’où ils tiraient leur foi, à philosopher sur le besoin de croyance de l’Homme, qui ne comprenant pas la foudre, y voyait Zeus et tous les autres dieux, chacun une réponse aux phénomènes terrifiants nous entourant. On a finalement dit non ce n’est pas un dieu qui provoque ceci ou cela, regardez la science, on peut se passer de la réponse Dieux sur ce sujet. Mais au collège je me disais, il reste au moins deux questions sur lesquelles Dieu reste une réponse rassurante : la création de la vie (la première cellule vivante, vu que tout ne s’est pas fait en 6 jours finalement) et surtout quoi après la mort ? le vide et le néant ? trop flippant. Même dans mon livre de biologie (ma passion lycéenne) il y avait un paragraphe qu’il faudrait que je retrouve mais en substance qui disait « ces questions laissent la place à la spiritualité et aux croyances. »

Une place à la spiritualité, certes. Aux croyances archaïques ? Ça reste à voir…
Mon intellect m’a toujours poussé à me dire que les croyances, les miracles et par extension le spirituel n’étaient que des miroirs aux alouettes. Mon intellect, vraiment ? Non, mon père, qui ne voulant peut-être pas m’influencer, m’a menti par omission. Oui, Papa, tu m’en menti, tu n’avais pas perdu la foi en fait ! En tout cas le foi en un dieu chrétien oui, mais pas dans le spirituel et le transcendant. Je m’explique.
Mon père me racontait que les miracles, dans un contexte de la religion, sont perçus comme des manifestions de dieu (ex. les stigmates). Mais dans un contexte scientifique peuvent être une manifestation d’un phénomène de maladie mentale : les hystériques peuvent ressentir une brûlure si le chercheur leur fait croire qu’il les a brûlé avec une cigarette et même, tenez-vous bien, une vraie brûlure apparait sur leur peau à l’endroit où elles ont été touché par le doigt ! Mais bon, le propos de cette observation c’est attention, ce qui parait surnaturel est sûrement un phénomène encore inexpliqué par la science… Et pourtant l’autre point de vue, c’est quand même, quand on y pense finalement, qu’elles avaient des pouvoirs surnaturels, non ? Quand on y pense, si le cerveau peut faire apparaitre une brûlure, il peut aussi guérir, non ?
Mais bon, à l’époque mon coté cartésien a pris le dessus. Attention à ne pas voir de manifestations surnaturelles là où juste l’inexplicable se manifeste. Attention à ne pas voir dans les coïncidences étranges plus que de simples coïncidences, sinon on risque de passer pour mystique, folle ou tout simplement bipolaire en phase maniaque. Merci.
Comme ce directeur de banque qui avoue à mon père vers 1956 alors tout jeune psychologue scolaire, « à vous, je peux le dire, je suis Jésus Christ, mais je ne le dis plus, car les gens ne comprennent pas »… Whaaaaaat ?

C’est là que j’avoue avoir eu une crise mystique quand, toute jeune fraichement installée seule dans mon 12 m2, je me torturais sur la douleur de ma mère, douleur que je voulais absorber pour la soulager, douleur du monde entier que j’aurai voulu aborder pour les en libérer, tel Jesus Christ venu se sacrifier pour les Hommes. Et puis finalement, je me suis dit « Elle souffre sûrement moins que tu le crois, ne te torture pas, et fais juste ce que tu peux, par exemple lui dire « Je t’aime quand même » (même si tu es insupportable et que tu bousilles nos vies et la tienne). » Et je me suis dit, ne soit pas mystique et réfléchit, ça vaut mieux que jouer les rebouteux. Je me suis transformée en psychologue de comptoir, pour prêcher la bonne parole qui est surtout « Il faut savoir pardonner à nos parents et espérer que nos enfants nous pardonnent un jour » d’être juste humain et de ne pas tout savoir, de faire souffrir sans le vouloir, d’être imparfait…

Mais quand même, papa, tu m’as menti, finalement tu y croyais, au spirituel et à la magie. Mais tu ne me l’as pas dit. Je ne t’en veux pas. Je t’aime quand même. Même si je comprends mieux aujourd’hui Yves Pagès d’avoir eu l’impression d’être une souris d’expérimentation pour son père. Sinon comment expliquer que, malgré le fait que tu savais très bien mon aversion pour le mariage, tu as dit avec ton petit sourire énigmatique il y a quelques mois à mon frère « ils vont se marier » ? Comment tu savais qu’une nuit, à quatre heure du mat’, j’allais dire à mon compagnon « On a qu’à se marier ! ça va être chouette. » Et moi, si fière de mon coup, de l’annoncer à mon frère et ma belle-soeur juste avant le rendez-vous chez la Notaire, pour que la vie continue et que la joie demeure… Et quoi ? là j’apprends que tu le savais déjà, bien avant moi ? Petite souris dans son labyrinthe, tu avais vu la direction que je prenais avant que je n’en vois la sortie ? Tu m’as bien eu sur ce coup !

Pour en revenir au monde, aux problèmes qui nous rongent, aux attentats, à la souffrance sociale, à l’écologie, au manque de sens dans le travail…. Ma réponse est toujours scientifique, statistique, psychologie sociale. Mais je pense que le spirituel manque cruellement. Sans parler de religion, car on ne sait pas. Ce que je sais aujourd’hui c’est que nous avons un gros problème de spiritualité, de respect de la nature et des énigmes. Je disais à mon père : le problème c’est que dans notre société laïque on a mis de cote le spirituel avec la religion et les hommes souffrent de cela. Vos croyances religieuses sont certes personnelles, mais le respect de l’environnement, des autres, de l’histoire et du monde, cela devrait être universel, non ?

Mais ces dernières décennies de la technologie et du savoir ont contraint l’humilité et la spiritualité à quelques cours de philo, à un service militaire disparu, à un mouvement écologique utopique, la solidarité à de vieux cocos rouges dépassés ? Le monde va mal et les croyants en souffrance sont relégués soit à de vieux cathos effarouchés, de jeunes musulmans sur le fil du rasoir qui peuvent basculer dans le terrorisme, de juifs entre victimes d’hier ou bourreaux d’aujourd’hui, de bouddhistes exotiques, de végans boboïsés, ou d’illuminés en phase maniaque ?

Je cherchais dans les échanges avec mon père quels pouvaient être les leviers pour changer les mentalités, le monde, notre avenir. Le kaléidoscope des points de vue m’avait frappé depuis déjà bien longtemps. C’est difficile de trouver la bonne parole. Car toutes les opinions doivent être respectées… Mais cette opinion majoritaire qui fait que nous avons un président jeune et pas assez sage, cette opinion qui fait que nous sommes dans un monde sans pitié, faut-il encore la respecter ?

Où est le respect quand une jeune fille qui prêche la bonne parole pour l’écologie de demain est trop facilement reléguée à des stéréotypes tels que « c’est une autiste instrumentalisée », quand les gilets jaunes qui grondent sont relégués à « une bande de cons qui ne pensent qu’à eux », que les parisiens traumatisés par Notre-Dame en feu relégués à « une bande de cons voyeuristes en manque de sensations » ? Chaque opinion compte mais je ne supporte plus que l’ironie acerbe soit la seule majoritairement comprise, car nous avons besoin de bienveillance, de sens et de transcendance.

Aujourd’hui, je sais que beaucoup tiquent sur cette promesse absurde de reconstruire Notre-Dame en cinq ans, sur le fait que les puissants riches nous sortent un milliard en une nuit, alors que le pays gronde depuis des mois, que les gens souffrent écrasés par un système capitaliste qui nous dit « travailler plus pour gagner plus » alors qu’il n’y aura de toutes façons plus de travail pour tout le monde, quelque soit notre volonté, notre talent, notre motivation personnelle. Le miroir aux alouettes c’est, entre autre, depuis des décennies de croire que l’ascenseur social fonctionne encore, qu’il n’y a plus de classes sociales. Nous avons un président intelligent, beau parleur, très doué. Mais il est lui aussi victime de notre siècle. Il est lui aussi trop jeune pour se rendre compte que nous autres humains nous nous devons pour notre futur d’être humbles, face à l’immensité du temps et de l’espace, face à notre condition humaine, d’êtres mortels.

Notre-Dame est un symbole, faut-il le sauver lui ou essayer de sauver l’humain, en croyant possible un changement, une mutation de la société ? Dites-moi ?

Appelez moi Cassandre

Si notre père était encore là en ce jour funeste où le monde entier est sous le choc de l’embrasement de Notre-Dame, quel serait la teneur de nos échanges sur le sujet ?

J’ai posté sur Facebook une petite bafouille avant de passer l’après-midi chez la notaire avec mon frère et ma belle soeur pour affronter l’après.

 » Je me demandais toute la journée d’hier si je n’étais pas en syndrome post-traumatique (hyper-vigilance, hyper-activité…) d’avoir perdu Notre Père il y a tout juste un mois… Aujourd’hui je me réveille et le monde entier pleure Notre Dame, l’immuable, la vénérable. 
Il faut profiter des personnes et des choses tant qu’elles sont là, et construire du meilleur sur nos épreuves et nos chagrins… Prenez soin de vous, ménagez vous, partagez votre peine et diffusez la bienveillance… on peut changer le monde, rien n’est immuable. »

Tout d’abord j’avoue que je ne suis pas choquée par l’ampleur de l’embrasement et sa vitesse qui fait dire à un président des Etats-Unis « mais pourquoi vous ne balancez par des Canadairs dessus ?! » (LOL comme dirait l’autre).
Quand on a l’expérience du feu, que les humains maitrisent soi-disant depuis 400 000 ans (faut-il le rappeler ?), on sait que la combustion d’une poutre sous des combles peut être d’abord très lente et quasi invisible. Sans oxygène, dans un mur (ou à l’intérieur d’une poutre de chêne imputrescible préparée pendant une centaine d’années par immersion), le simple fait de percer pour passer un tuyau (n’est-ce pas M. B. ?) peut déclencher une combustion qui va petit à petit faire son nid… Couver pendant des heures… jusqu’à déclencher une alarme comme sur le chantier de rénovation de la forêt… mais elle est encore invisible comme le prouve la première visite de contrôle des ouvriers. Là l’expérience et le savoir faire pourraient déclencher autre chose qu’une alarme technologique, l’instinct que j’appelle le syndrome de Cassandre.

Dans mon travail, je me suis pendant des années vantée de m’appeler Cassandre. D’alerter sur les périls à venir, de prévenir plutôt que de guérir. Si je voyais un problème pointer le bout de son nez, d’alerter le client quitte à passer pour l’oiseau de mauvais augure. Bien sûr le client peut rester sourd à mes paroles, et dire « on fait comme ça quand même », mais au moins j’ai la conscience tranquille quand le problème surgit. Pas comme cette fois où après avoir essayé d’alerter à droite et à gauche et de m’être dégonflée pour appeler en direct la cliente, après six mois de galères, en réunion de débriefing elle nous dit « si vous me l’aviez dit, je ne l’aurais pas fait comme ça ». Peut-être ? peut-être pas ? Quoi qu’il en soit, je regrette ces quelques secondes où la main posée sur le téléphone, je n’ai pas osé. Comme je regrette chaque moment où j’ai pressenti et pas agi. (« ouh là, je devrais enlever ce bout d’os de mon assiette avant que Cracou ne le chope » = 12 heures d’angoisse, après lesquelles il a finalement régurgité cette esquille, sans dommage, Alléluia !)

Pressentir un problème, dans une carrière ça s’appelle l’expérience. Il y a encore quelques décennies, on respectait nos anciens : les dernières années de carrière, on leur laissait le temps de transmettre leur savoir et leur expérience, avant de fêter leur départ à la retraite avec des outils de jardinage pour qu’ils coulent des jours heureux, tranquilles. Aujourd’hui notre société considère qu’ils sont has been, trop lents, dépassés… On dégage les seniors à coup de mobilité, de reconversion, histoire de bien faire les petits coqs prétentieux…. Mais Cassandre vous dit : il faut laisser le temps au temps, respecter les ainés et bien se rendre compte que « dans chaque vieux, il y a un jeune qui se demande ce qu’il s’est passé ! ».

Elle vous dit aussi en passant, malgré les techniques de management, de productivité, de ce monde ultra connecté, les burn-out vont se multiplier. Tous nos jeunes et moins jeunes ne comprendront leur souffrance que trop tard. Le burn-out ne se comprend qu’une fois l’embrasement là. Notre-Dame a fait un burn-out.

La combustion qui couve donc, qui ronge petit à petit, 900 ans d’histoire ou 15 ans de carrière. Pour en revenir à la thermodynamique, les lois de la physique tout simplement, la forêt est rongée par la combustion, les alarmes se déclenchent mais les gens ne veulent pas voir ni y croire. Et quand la première tuile cède, que l’oxygène atteint les braises, c’est l’embrasement. En une heure de temps, toute une toiture, un symbole, un trésor part en fumée. On s’affole, on dit « mais balancez de l’eau là dessus ! » « mais pourquoi ils ne font rien ?! » Parce qu’il est trop tard, que toute notre technologie, notre arrogance de maîtriser le monde, ne lutte pas contre les lois de la nature. Cette cathédrale a été construite en plus de cent ans. À l’époque, les bâtisseurs savaient qu’ils commençaient un travail qu’ils ne verraient jamais achevé, comme pour toutes les grands constructions humaines, les pyramides, les temples, les murailles… Laisser le temps au temps. Comme on dit « neuf femmes ne font pas un bébé en un mois ». Les choses doivent prendre le temps de germer, mûrir, être récoltées… Mais notre monde va mal, pollution, stress, vitesse…
Les burn-out vont se multiplier car, depuis ces merveilleux outils que sont internet, les ordinateurs, les communications, tout va trop vite pour l’homme et la nature. Pour prendre une simple métaphore, nous cheminions sur nos vies et nos carrières, d’abord à pied, puis en vélo (on va plus vite, c’est chouette…). Puis quand le vélo à assistance électrique est arrivé, on s’est dit « chouette ! on peut avec moins d’effort aller aussi vite ! puis aller encore plus vite avec autant d’effort, puis toujours plus vite ! grisé par la vitesse, tel un super man, tel un adolescent inconscient, on va trop vite. Et quand le moindre trou, caillou, aspérité, nous fait déraper la chute est violente ! trop violente.

Trop violent de voir 900 ans de patrimoine disparaître en fumée en quelques heures ?
Trop violent de se sentir paralysé, angoissé, d’un coup ne plus pouvoir travailler ?
On m’a souvent dit « utopie, que de vouloir de la bienveillance, du respect, de l’entraide dans ce monde capitaliste, violant, angoissant » Dans un monde où les plus pauvres et les plus faibles ne sont pas aidés et protégés, dans un monde où si tu ne réussis pas c’est que tu es feignant car « bon dieu l’ascenseur social, miroir aux alouettes, costard etc. » Comme je l’écrivais il y a quelques jours, ahhh l’Homme, quel phénomène !

Les pauvres ouvriers, ingénieurs, qui doivent angoisser devant le drame, sachez le, ce n’est pas (complètement) votre faute. C’est le monde actuel qui ne laisse pas le temps de faire bien les choses, qui a des outils merveilleux, mais qui ne respecte pas le savoir-faire et la transmission. Dans beaucoup de projets quels qu’ils soient, on a des gens qui alertent sur les délais, les risques, et on leur répond « personne n’est irremplaçable, quelqu’un d’autre prendra ta place, moins cher, plus vite. » Les cimetières sont remplis de personnes irremplaçables ? (oui, le jardin du souvenir du Père-Lachaise aussi, soit dit en passant). Quelle arrogance, quel gâchis… Et on voit les hommes courir à droite et à gauche, comme des fourmis affolées quand on donne un coup de pied dans la fourmilière, pour reprendre, une fois la menace passée, leur train-train quotidien…

Notre père était enseignant-chercheur en psychologie sociale. Les avancées technologiques le ravissaient, calculer plus vite ses statistiques, analyser le fonctionnement du cerveau sans avoir à martyriser ces pauvres souris. Mais il était inquiet, pour l’avenir, l’éducation, le monde. Je veux croire que des épreuves, des chagrins, nous pouvons apprendre de nos erreurs, comme tous les humains depuis des millénaires. Être plus humble, plus patient, plus solidaire et bienveillant. Car nous allons tous disparaître un jour, et que « nous ne l’emporterons pas au paradis »…
À ceux qui disent que l’optimiste est mort, écoutez Cassandre : si vous pleurez l’immuable Notre-Dame embrasée, voyez-y une leçon de vie, de société, d’un avenir plus rose : si elle peut faire un burn-out, c’est que tout est possible, même construire un monde meilleur.

Mai 68

En mai 68, André a 37 ans, il est professeur, sa femme et son fils sont à la maison, inquiets des événements qui se trament. Mais lui est dans la rue, et ce soir là, il est dans le quartier latin et fait partie des premiers à soulever les voitures pour construire les barricades. Il tire de cette nuit historique des anecdotes à mes oreilles plus vivantes et drôles que des leçons de société. Comme cette jeune fille sur les barricades, au milieu des gaz lacrymogènes, en pleine nuit qui, comprenant que lui est professeur, lui demande « Monsieur, savez-vous si nous aurons cours, car j’avais un contrôle prévu demain ?! ». Comme la description de l’ambiance bon enfant qui soudain dégénére avec les bruits des balles qui sifflent à leurs oreilles. Comme la petite vieille planquée derrière ses rideaux au dessus des policiers, qui dès qu’ils avaient la tête baissée, leur laissait tomber une bouteille pleine sur le casque, pour reprendre un air innocent quand ils levaient la tête pour voir qui les attaquait ainsi !